Honorable Président de l’Assemblée nationale,
Honorable Président du Sénat,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle et Président du
Conseil Supérieur de la Magistrature ;
Madame et Messieurs les Membres du Bureau du Conseil Supérieur
de la Magistrature ;
Mesdames et Messieurs les Magistrats ;
Distingués invités ;
En ce jour qui coïncide avec le lancement de la formation initiale
de la première promotion de deux mille cinq-cents (2500) nouveaux magistrats civils et militaires du ministère public parmi les
cinq mille (5000) attendus, nommés le 6 juin 2023 à la suite du
concours de recrutement, j’ai accepté, en ma qualité de magistrat
suprême, de prendre la parole afin de m’adresser directement à
vous, anciens comme nouveaux venus dans ce corps élitiste ; et
à travers vous donc, à l’ensemble de la magistrature congolaise,
mieux le Pouvoir judiciaire.
Je le fais d’autant plus que, préoccupé personnellement par la
bonne marche et l’efficacité de l’appareil judiciaire, j’ai exprimé
plus d’une fois depuis mon accession à la magistrature suprême,
ma volonté de consolider une justice de qualité pour tous, indépendante, performante, protectrice des droits humains, et essentiellement rassurante. A cet effet, je n’ai cessé d’affirmer, par
conviction et dans ma vision de bâtir un état de droit, le rôle
primordial assigné et attendu de la justice dans le relèvement et le
développement de la Nation, la consolidation de l’État de droit et
de notre démocratie.
Je ne saurais pas ne pas rappeler les Saintes Ecritures dans le livre
de Proverbes au chapitre 14, verset 34, je cite : « La justice élève
une nation », fin de citation. Cette prescription demeure l’un des
piliers du pacte citoyen qui caractérise la justice comme étant un
rempart dont la mission principale est de protéger les personnes,
garantir les règles du vivre ensemble, les droits et les devoirs de
chacun ainsi que les conditions d’une société apaisée. Bref, sans la
justice, il n’y a pas de développement possible. Comme pour dire
que l’absence de la justice est une banalisation du mal. Mais un
système judiciaire efficace est un moyen de dissuasion et de paix.
C’est pleinement conscient de ce rôle attendu dans la construction
de notre Etat que je suis régulièrement revenu sur les questions
lancinantes de la corruption et de l’impunité des criminels ainsi que
sur les autres antivaleurs qui, généralement, accentuent la descente
aux enfers de notre pays. Dans ces conditions, la justice ne saurait
être ce régulateur vers lequel accourent les citoyens
lorsqu’elle-même est immergée par des pratiques corruptives et
autres agissements qui n’inspirent plus confiance, s’invitant de ce
fait sur le banc des accusés.
C’est dans ce sens que, m’adressant à la Nation à travers ses représentants en décembre 2021, exercice réitéré en décembre 2022 et
plus récemment à la suite de la session question-réponse avec nos
compatriotes, je fustigeais encore ces maux et annonçais mon engagement à insuffler un nouveau départ à notre justice suivant une
stratégie simple : « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». A ce
sujet, la cérémonie de ce jour qui vise le lancement de la session de
formation des nouveaux magistrats nommés concrétise l’un de mes
engagements pris, visant à résorber le déficit des effectifs des
magistrats au regard de la cartographie judiciaire nationale.
A travers ces mots, comprenez une fois pour toute que fort de ma
patience, je lance un appel ultime à la renaissance de la justice
voulue et attendue de tous, une justice qui assure et rassure, particulièrement en cette période charnière de consolidation de notre
jeune et précieuse démocratie. Celle-là même qui, non seulement
permet de dire le droit, mais aussi et surtout de nous convaincre
tous, justiciers et justiciables que le droit, alors le vrai a été dit.
Mesdames et Messieurs les magistrats ;
Ce tableau non exhaustif que je viens de dresser devrait sonner
en vous comme une interpellation citoyenne et patriotique, mieux
une mise en cause du système fonctionnel actuel. Il s’agit bien de
l’appel à votre conscience individuelle et collective en tant que
magistrats, acteurs majeurs dans la construction d’un Etat de droit
voulu par tous.
Garant du bon fonctionnement des institutions, j’assume et j’assumerai toujours pleinement ma responsabilité par un recadrage, au
besoin, une requalification de l’action de la justice et éviter que par
son agir, cette dernière disqualifie les efforts de toute une Nation.
Je vous encourage donc à vous engager, à travers votre action,
dans cet effort national pour l’avènement d’une justice juste. Cela
passe aussi par l’érection de la sanction, positive ou négative
sans complaisance, comme l’échelle de valeur ; par l’application
rigoureuse des dispositions constitutionnelles et statutaires qui
identifient le Conseil supérieur de la Magistrature comme organe
exerçant le pouvoir de rétribution promotionnelle et disciplinaire.
On ne devrait donc pas admettre que des magistrats, poursuivis
disciplinairement ou pénalement, ceux condamnés plus d’une fois
à la prise à partie pour des décisions iniques, ceux habituellement
en instances judiciaire ou disciplinaire ou notoirement immoraux ;
accèdent à des promotions sans affecter la conscience collective.
Je tiens absolument à la restauration de la discipline, de l’éthique
et de l’intégrité au sein de la magistrature et plus particulièrement
à redorer l’image de la justice de mon pays, longtemps ternie. Je
suis préoccupé par la bonne marche et l’efficacité de notre appareil judiciaire. Or, pour être efficace, notre appareil judiciaire a
besoin, à tous les niveaux, d’animateurs dignes, intègres, bien
formés et en nombre suffisant qui doivent être placés dans des
conditions de vie décente et des conditions de travail adéquates.
Conscient que cette œuvre - la justice - ne peut prospérer sans
ouvrier - le magistrat – j’engage le Gouvernement de la République
à travailler avec le Conseil Supérieur de la Magistrature, votre
organe de gestion, afin de doter le pouvoir judiciaire des moyens
adéquats pour le fonctionnement des chambres de discipline, des
juridictions et offices, et aussi pour l’amélioration du traitement des
magistrats, les frais de mutations, les primes de brousse et surtout la
prise en charge médicale et funéraire. Je suis au courant de la manière
dont le magistrat, malade ou décédé, est soigné ou inhumé, bien
souvent, par la solidarité de ses pairs. Cette situation ne peut plus
perdurer.
J’insiste, Monsieur le Premier Ministre, en ce que vous veilliez à la
réception par le pouvoir judiciaire, des moyens lui dotés dans le budget
national. C’est aussi avec ce traitement que nous saurons mesurer ses
responsabilités.
Mesdames et Messieurs les nouveaux Magistrats,
Vous intégrez un corps d’élite qui exerce un sacerdoce selon qu’il est
écrit que le magistrat est un serviteur de Dieu pour le bien du peuple.
Vous arrivez dans une profession noble qui vous fait l’honneur et le
privilège de servir votre Nation, notre Nation. Vous devez avoir en votre
conscience votre serment et la loi.
Votre recrutement a été nécessité par le besoin impérieux de résorber
le déficit dans la mise en œuvre du droit d’accès à la justice.
Avec votre arrivé, j’ai insufflé un souffle nouveau permettant à notre
justice d’améliorer sa couverture et la qualité du service dans l’administration de la justice. Pour bien faire fonctionner les juridictions et offices,
j’invite donc le Conseil Supérieur de la magistrature à travers son
Président, lors des affections des magistrats, à veiller à l’équilibre entre
les différents ressorts.
La justice dans la gestion administrative de la carrière du magistrat appelle le Conseil Supérieur de la Magistrature a plus d’objectivité
et de rigueur dans les promotions des magistrats et leurs affectations en faisant respecter la règle de rotation et veiller que les
mêmes magistrats ne deviennent des roitelets de certains
ressorts d’où ils sont intouchables ou inamovibles. Il est inconcevable que dans un corps élitiste, certains magistrats soient considérés comme ne pouvant servir qu’en Ville et d’autres dans les
milieux ruraux.
Il s’avère indispensable d’affecter suffisamment de magistrats
dans l’arrière-pays où la déficience se fait manifestement sentir
tout en désengorgeant les grandes villes où il y a pléthore scandaleux et inadmissible de magistrats.
Par ailleurs, il est important, pour une action concertée, d’activer
régulièrement le cadre de concertation entre le Pouvoir judiciaire
et exécutif tel que prévu dans le règlement intérieur du Conseil
supérieur de la magistrature. Il doit aussi clairement être entendu
que les immixtions des personnes non qualifiées à la gestion et à
la prise des décisions de la justice par des pratiques de trafics
d’influence et autres antivaleurs seront sévèrement sanctionnées.
Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle et
Président du Conseil Supérieur ;
Honorable Président de l’Assemblée nationale,
Honorable Président du Sénat,
Monsieur le Premier Ministre,
Madame et Messieurs les membres du Bureau du Conseil
Supérieur de la Magistrature ;
Mesdames et Messieurs les Magistrats;
Distingués invités ;
C’est sur cette note, pleine d’espoir et exprimant le renouvellement
de notre pacte républicain qui appelle à la renaissance de la justice
que je déclare ouverte la session de formation initiale des nouveaux
magistrats, promotion 2023 que je baptise « état de droit ».
Que vive la renaissance de la justice en République Démocratique
du Congo.
Que Dieu vous bénisse.
Je vous remercie.